Le terrorisme en Europe et aux États-Unis depuis 2001 représente une mise à l’épreuve des démocraties libérales. Les discours scientifique, politique et médiatique guident notre compréhension des événements, et répondent à un besoin urgent de leur donner du sens. Le lexique qui permet de penser ces phénomènes aujourd’hui est celui de la radicalité (radical, radicalisation, radicalité, radicalisé). Mais, face à l’urgence, ces discours s’interpénètrent, et les notions scientifiques sont utilisées comme des labels politique et médiatique. Dès lors, c’est le langage, support de la communication et véhicule de représentations partagées, qui doit être interrogé.
Alors que la rhétorique politique légitime des transformations sociales, juridiques et (géo)politiques de grande ampleur, la littérature constitue une réponse culturelle importante. Qu’a-t-elle à nous apprendre, dans un contexte de radicalisation des discours, et de crise identitaire, politique et sociale ? Au moins à créer les conditions d’un écart lucide vis-à-vis des ressorts fictionnels sur lesquels repose la vie collective, le politique.
L’espace du roman apparaît sous la plume de certains romanciers contemporains comme un espace fictionnel où sont bousculées, destituées ou endossées les valeurs et les représentations partagées dans l’espace public. Plus encore, c’est dans l’espace du roman que valeurs, images, discours sont exposés comme des fictions nécessaires, auxquelles nous adhérons plus ou moins radicalement.
Par le détour de l’œuvre de romanciers italiens contemporains qui interrogent le terrorisme d’extrême-gauche des années 1970-80 et la figure du brigadiste, il devient possible d’étudier comment, au même moment, d’autres romanciers liés à l’espace français, britannique et nord-américain travaillent la figure du terrorisme islamiste. Les romanciers interrogent alors les mécanismes de production de représentations qui sont inhérents aux discours publics contemporains sur le terrorisme, jetant un regard radical sur le monde.