Débordements. Littérature, arts, politique. Textes réunis et présentés par Jean-Paul Engélibert, Apostolos Lampropoulos et Isabelle Poulin, P.U. Bordeaux, coll. « Modernités », n° 46, 2021.
La métaphore du débordement suggère à la fois une fonction de l’œuvre littéraire ou artistique, voire une aptitude qui lui est inhérente, et une façon de rappeler ses limites ou de lui imposer un certain contour, de la mettre en contact avec le monde vers lequel elle déborde tout en la séparant de lui, ne serait-ce qu’artificiellement. Toutes sortes de « bords » peuvent aider à penser le monde des arts et ses ambivalences, à différents niveaux de réalité : l’artiste est pris entre la sensation que l’art « déborde », ne lui laissant aucun dehors à saisir, et l’impérieuse nécessité où il se trouve de « déborder » lui-même ; le lecteur ou spectateur est pris dans des réseaux complexes de cercles savants plus ou moins conscients du vaste hors-champ constitué par tous ceux qui n’ont pas l’art dans leurs vies et n’ont aucune pensée de ses enjeux politiques ; diverses institutions, enfin, hiérarchisent et « bordent » les gestes critiques.
Le présent volume interroge ces différents acteurs, dans le sillage de cheminements critiques familiers, émanant d’artistes comme l’écrivain Italo Calvino ou le plasticien Jorge Méndez Blake (dont une œuvre illustre la couverture), ou de philosophes comme Jacques Derrida et Jacques Rancière. La première section, Traductions critiques : mots et figures du débordement, interroge le rapport entre langue et action et à travers lui les moyens de l’écrivain. La deuxième section, Gestes critiques : interprétation et performance, pose l’horizon d’une réception dans l’espace public du théâtre ou de la rue, aborde la question du débordement comme « confluence ». La troisième section, Débordement dans le genre, propose une déclinaison de la notion de genre à travers les représentations des femmes au XVIIe siècle et le croisement des questions du genre, de la race et de la classe sociale dans les littératures du début du XXIe siècle. La dernière section, Au bord du contemporain, interroge spécifiquement la façon dont le récit contemporain travaille les cadres.
L’ambition du volume n’est pas seulement de parler des débordements, d’en faire la liste ou d’en rappeler la diversité. Il montre que ce sont surtout des occasions de rencontres, des invitations à des assemblées publiques et à des croisements de corps et de voix.